DEUX OBJETS LACONIENS MÉCONNUS AU MUSÉE DU LOUVRE
Les lignes qui suivent voudraient attirer l'attention sur deux objets de terre cuite qui appartiennent depuis longtemps aux collections du Louvre, mais qui y sont restés bien méconnus. Parmi tant d'œuvres célèbres et mille fois commentées, l'aspect modeste du premier objet n'a pas su retenir l'intérêt : c'est ce qui explique, sans doute, que l'on ait ignoré sa vraie patrie. Quant au second, les suspicions qui ont pesé sur son authenticité l'avaient relégué dans l'anonymat des réserves du Musée, où il attendait, depuis plus d'un demi-siècle, une réhabilitation que nous croyons équitable.
Le premier document1 (fîg. 1) est une petite statuette féminine, faite d'une argile brun rosé très compacte; une couche d'engobe blanc, encore visible par traces, la recouvrait sur toute sa surface. La technique est mixte : alors que la tête et le « buste » ont été produits par l'impression d'un moule, la partie inférieure du corps a été modelée régulièrement, mais librement, par la main et l'ébauchoir. La jonction entre les deux sections — « protomé » moulée, fût modelé du corps — se fait au niveau de la « taille », marquée par un retrait, sorte d'encoche profonde qui entaille toute la largeur de la figurine. Le revers, toutefois, a été unifié par l'outil en telle sorte qu'aucune séparation n'y est distincte2 (fîg. 2). Le tout est supporté par un petit socle, plinthe rectangulaire où nulle trace de pied n'est visible. De la moitié inférieure de la figurine, il y a peu à dire, hormis qu'un épaississement progressif du contour, en allant vers le bas, cherche sans doute à rendre l'ampleur d'un vêtement retombant sur les pieds. Mais la partie supérieure est plus parlante. Ce qui accentue l'aspect « protomé », c'est l'absence des bras3. Aucune cassure n'en signale la disparition. Il s'agit donc seulement d'un buste féminin, dont la tête est coiffée d'un polos où la base et surtout le sommet sont soulignés d'une bordure en relief. De part et d'autre du visage, prenant leur origine derrière des oreilles
(1) Louvre GA 11, hauteur : 0,15 cm. Cf. S. Besques, Catalogue raisonné I, p. 11 (B 62) et pi. VII. Acquis en 1886 de la collection Rayet ; provenance indiquée : « Locride ». Contrairement à ce qui est indiqué dans la description du Catalogue raisonné, la tête est à coup sûr moulée. Cf. P. Knoblauch, Studien zur archaisch- griechischen Tonbildnerei in Kreta, Rhodos, Athen und Bôotien (1937), p. 192, n° 405. (2) Le revers porte les traces très nettes du passage de l'outil qui a aplani les surfaces et effacé le raccord. (3) Aucune excroissance latérale en forme d'ailette, comme on en rencontre par exemple sur les idoles plates béotiennes ; aucune empreinte de pastillage qui aurait disparu.
